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Débarquement d’un étranger sans document de voyage : la responsabilité du transporteur aérien conforme à la Constitution

Transport - Air, Informations professionnelles
Civil - Personnes et famille/patrimoine
05/11/2019
Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une QPC relative à deux articles du Code de l’entrée et du séjour des étrangers du droit d’asile portant sur la sanction du transporteur aérien débarquant un étranger non ressortissant d’un État de l’Union européenne et démuni de document de voyage. Les Sages ont déclaré ces dispositions conformes à la Constitution.
Une question prioritaire de constitutionnalité a été posée par la société Air France concernant le 2° de l’article L. 625-5 du Code de l’entrée du séjour des étrangers et du droit d’asile.
 
Pour mémoire, l’article L. 625-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, punit d’une amende l’entreprise de transport aérien qui débarque sur le territoire français, un étranger non ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, et démuni de document de voyage ou de visa requis par la loi ou l’accord international qui lui est applicable.
 
L’article L. 625-5 du même Code prévoit lui des exceptions. L’amende ne peut être infligée lorsque l’étranger a été admis sur le territoire au titre d’une demande d’asile fondée et lorsque l’entreprise établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l’embarquement et qu’ils ne comportaient pas d’élément d’irrégularité manifeste. En l’espèce, cette deuxième exception est contestée.
 
En effet, la société requérante reproche à ces dispositions de violer l’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Elles permettraient qu’un transporteur aérien puisse être sanctionné pour avoir débarqué un étranger démuni de documents de voyage ou de visa sur le territoire français, alors qu’il a procédé au contrôle des documents à l’embarquement et que l’irrégularité soulevée n’a pas été détectée par les services compétents de l’État lors de la délivrance. Le texte aurait donc pour effet de déléguer au transporteur, l’accomplissement d’opérations de contrôle incombant aux autorités publiques.
 
Le Conseil constitutionnel se prononce dans un premier temps sur la nature de son contrôle, le régime de sanction des transporteurs aériens trouvant sa source en droit européen. Il précise que les dispositions contestées visent à assurer la transposition de la directive concernée et qu’elles « ne se bornent pas à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises de la directive du 28 juin 2001 ». Ainsi, les Sages sont compétents pour contrôler leur conformité à la Constitution.
 
Dans un second temps, il s’intéresse à la conformité des dispositions. Le Conseil constitutionnel rappelle que l’article 12 de la DDHC interdit de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale inhérentes à l'exercice de la « force publique » nécessaire à la garantie des droits.
 
Les Sages relèvent que « Les irrégularités manifestes qu'il appartient au transporteur de déceler sous peine d'amende, en application des dispositions contestées, lors, au moment de l'embarquement, du contrôle des documents requis, sont celles susceptibles d'apparaître à l'occasion d'un examen normalement attentif de ces documents par un agent du transporteur ».
 
Et qu’en instaurant cette obligation, « le législateur n'a pas entendu associer les transporteurs aériens au contrôle de la régularité de ces documents effectué par les agents de l'État en vue de leur délivrance et lors de l'entrée de l'étranger sur le territoire national. Par conséquent, le grief tiré de la méconnaissance des exigences résultant de l'article 12 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ».
 
Le Conseil constitutionnel rejette également trois autres griefs soulevés par la société Air France :
  • le premier concernant une éventuelle atteinte aux principes de proportionnalité et d’individualisation des peines, qui doit être écarté, les dispositions contestées n’ayant aucune incidence sur le quantum de la sanction encourue et son individualisation ;
  • le deuxième relevant une éventuelle violation du principe de la responsabilité personnelle en matière pénale, écarté par le Conseil constitutionnel qui précise que « le fait que le transporteur puisse être sanctionné alors même que l'irrégularité manifeste affectant le document présenté par l'étranger en cause n'a pas été détectée par les autorités publiques compétentes pour délivrer ce document n'a pas pour effet de rendre le transporteur responsable du manquement imputable à ces autorités » ;
  • et le troisième portant sur l’article L. 421-1 du Code des transports qui méconnaîtrait le principe d’égalité devant la loi du fait d’une différence de traitement entre les transporteurs aériens et maritimes, grief qui ne résulte pas des dispositions contestées.
 
Ainsi, le Conseil constitutionnel juge que les dispositions du 2° de l’article L. 625-5 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit. Elles sont donc conformes à la Constitution.
Source : Actualités du droit