Risques psychosociaux : une responsabilité partagée au sein de l'entreprise
En droit français, l’employeur est tenu d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale de ses salariés (article L. 4121-1 du Code du travail). Cette obligation générale est interprétée de manière stricte par la jurisprudence, faisant souvent peser sur l’employeur une responsabilité lourde, notamment en matière de risques psychosociaux (RPS). Pourtant, la tentation de désigner systématiquement le manager comme unique responsable de ces risques occulte la complexité de leur origine et de leur gestion.
Il est vrai que le manager incarne souvent la hiérarchie immédiate, celle qui décide de l’organisation du travail, fixe les priorités et peut, par son comportement ou ses choix, influencer le climat de travail. Toutefois, tous les managers ne sont ni autoritaires ni malveillants. Beaucoup agissent avec bienveillance, dans le respect des salariés, tout en subissant eux-mêmes les contraintes organisationnelles imposées par leur propre hiérarchie.
Le manager, un salarié comme un autre
Le Code du travail précise que chaque salarié a l’obligation de prendre soin de sa santé et de celle des autres (article L. 4122-1). Cette responsabilité individuelle vient tempérer la responsabilité collective imputée à la ligne managériale. En d'autres termes, un manager reste un salarié, souvent sans les moyens ou la marge de manœuvre nécessaires pour prévenir efficacement tous les facteurs de risques psychosociaux.
Des causes multiples et systémiques
Réduire les risques psychosociaux à une simple défaillance du management est une approche trop simpliste. Ces risques peuvent résulter de nombreux facteurs, parfois extérieurs au contrôle direct du manager :
- les fluctuations de la charge de travail, souvent liées à des variations d’activité ou à la pression commerciale ;
- les exigences émotionnelles, influencées par les relations avec les clients ou les usagers ;
- les tensions interpersonnelles entre collègues, qui échappent parfois au regard du responsable hiérarchique ;
- le conflit de valeurs, lorsque le salarié ne se reconnaît plus dans le sens de son activité professionnelle.
Un effort collectif indispensable
Face à cette complexité, la prévention des risques psychosociaux ne peut être confiée à un seul acteur. Elle suppose une mobilisation conjointe de tous les échelons de l’entreprise : la direction, les représentants du personnel, les services de santé au travail, et bien sûr, les salariés eux-mêmes.
Les outils de régulation collective – comme les entretiens professionnels, les enquêtes internes, les groupes d’expression ou encore les dispositifs d’alerte – doivent être renforcés pour favoriser l’écoute, le dialogue et l’anticipation des tensions. Le rôle du management est alors de faciliter cette expression sans porter, seul, la charge de la prévention.
Faire du « chef » un bouc émissaire en cas de souffrance au travail n’est ni juste ni efficace. Si l’employeur reste le garant de la santé au travail, la prévention des risques psychosociaux exige une approche globale et partagée, intégrant l’ensemble des composantes humaines et organisationnelles de l’entreprise.